- BERGMAN (INGRID)
- BERGMAN (INGRID)Ingrid BERGMAN 1915-1982Née à Stockholm de père suédois et de mère hambourgeoise, Ingrid Bergman se retrouve orpheline à treize ans. Son père, artiste lui-même, souhaite qu’elle devienne cantatrice, mais elle se sent vouée au théâtre. Elle est admise en 1933 à l’École royale d’art dramatique de Stockholm et l’un des membres du jury, le cinéaste Alf Sjöberg, lui dira plus tard: «De toute votre carrière, vous ne ferez peut-être jamais une aussi bonne entrée.» Ce qui ne l’empêche pas, l’année suivante, de laisser ses études pour un contrat d’actrice de cinéma. À vingt et un ans, elle gagne sa vie: six films l’ont révélée au public dont le dernier, Intermezzo (G. Molander, 1936), lui a valu une renommée internationale. Désormais, son existence se confond avec sa vocation.En 1937, Ingrid Bergman épouse Petter Lindström, jeune médecin, qui épaule ses projets, favorise ses débuts à l’étranger — notamment en Allemagne d’où elle s’échappe tôt, glacée par la peur qui régnait dans les studios nazis —, puis son envol vers Hollywood (en 1939). Plus tard, elle va découvrir en Roberto Rossellini l’inspirateur. En fait, la période italienne (1949-1956), qui s’avéra pour elle décisive, et créatrice autant de sa personnalité que de son art, fut aussi un temps de dépression, d’échec et de rejet de la part d’une partie du public. Si des joies confortent le foyer — la naissance de Robertino, puis celle des jumelles Isabella et Ingrid —, les tensions s’accroissent qui incitent Ingrid Bergman à reprendre sa liberté, non sans conserver une ferveur qui ne s’éteindra plus.Enfin, son union avec le producteur Lars Schmidt fut sans histoire, mais leur éloignement progressif déboucha sur un divorce.Une santé, un équilibre hors pair, l’ardeur au travail, une imagination protéiforme ont permis à Ingrid Bergman d’être, en un demi-siècle, la vedette de cinquante et un films ainsi que de jouer à travers le monde Ibsen, Shaw, Tourgueniev..., en passant d’une langue à l’autre (elle en pratiquait cinq). Rebelle à l’amateurisme, l’artiste «la plus consciencieuse» que connut Selznick s’était consacrée au professionnalisme le plus exigeant. Débarquant à Hollywood à vingt-quatre ans, petite provinciale face au grand patron, David Selznick, elle sut imposer son nom et maintenir son style: «On va vous laisser telle quelle — lui dit-il — vous serez la première actrice naturelle.» Ce qu’elle restera aux dires de Gary Cooper, son partenaire dans Pour qui sonne le glas (1943), et de Graham Greene, dans sa chronique du Spectator . Refusant de se laisser confiner par la suite dans un genre où le public la retrouverait toujours semblable, elle arrache, au lieu du rôle de «la petite fiancée», celui de «l’impudente barmaid» dans Dr. Jekyll and Mr. Hyde de Victor Fleming (1941). Les firmes de Hollywood se la disputent, lui offrant l’élite des partenaires: outre Gary Cooper, Humphrey Bogart pour Casablanca de Michael Curtiz (1943); Charles Boyer et Joseph Cotten pour Hantise de George Cukor (Gaslight , 1944) qui lui vaut un oscar. Elle décroche, en 1948, le rôle de Jeanne d’Arc, depuis toujours désiré, à la fois au théâtre, puis à l’écran. Hitchcock, flairant en elle ce «je ne sais quoi» qui confère au personnage et à l’intrigue leur vie et leur mystère, lui fait tourner coup sur coup trois films: La Maison du Dr Edwards (Spellbound , 1945), Les Enchaînés (Notorious , 1946), avec Cary Grant, et Les Amants du Capricorne (Under Capricorn , 1948).Revoyant, trente ans après, la Jeanne d’Arc de Victor Fleming, Ingrid Bergman relève les faiblesses de ce film trop léché mais surtout critique son jeu d’où la beauté devrait rayonner d’ailleurs que des afféteries d’un métier parfait. Ce qui expliquerait, croit-elle, le sentiment en elle d’un manque que combla le coup de foudre éprouvé lors de la découverte du néo-réalisme à travers Rome, ville ouverte (1945) et Paisà (1946). Car ce fut Rossellini qui porta son art à l’incandescence: de Stromboli, terra di Dio (1949) à Angst (La Peur , 1953), en passant par Europa ’51 , Siamo donne (Nous, les femmes , 1952), et Viaggio in Italia (1953) — sans doute le chef-d’œuvre du maître —, Ingrid Bergman, par et pour Rossellini, a pu s’exprimer dans toutes ses dimensions.Meilleure actrice de l’année pour Anastasia (1956), au zénith de sa beauté dans Elena et les hommes de Jean Renoir (1956), brillante à Paris dans Thé et sympathie , charmante dans Indiscreet (1958), vraie dans L’Auberge du sixième bonheur (1958), puissante dans La Rancune (The Visit , d’après Dürrenmatt, 1964), bouleversante dans The Human Voice — transposition de Cocteau —, pleine d’humour dans Fleur de cactus (1970), c’est à Ingmar Bergman qu’elle devra l’accomplissement de sa force expressive. Sonate d’automne (1978) est le chef-d’œuvre de cet alliage de cruauté et de tendresse propre au maître suédois. En unissant dans le duo mère-fille Liv Ullmann et Ingrid Bergman, il offrait à cette dernière, par le biais de la fiction, une synthèse de son existence: femme, actrice, mère, épouse. Il ajoutait aussi le plus beau fleuron à sa couronne dans cette fusion pathétique et superbe de la poésie avec la vie.
Encyclopédie Universelle. 2012.